Résumé
"Pourquoi un homme politique extrémiste consacre-t-il sept cents pages à développer des théories perverses et fumeuses dans une langue à peu près inaccessible au commun des mortels ? Pourquoi ce style confus, cette accumulation d'adverbes, de conjonctions douteuses, ces glissements sémantiques, ces syllogismes, ces dérapages du cheminement déductif ? Est-ce de l'incapacité ? Ou bien une méthode ?"
Si certains se demandent à quoi bon sortir de l'oubli ce brûlot de haine, Olivier Mannoni, qui a consacré dix ans à la retraduction de Mein Kampf, leur répond. Outre les tempêtes suscitées par la parution d'Historiciser le mal, il raconte ici la lutte au corps à corps avec une prose lourde et pernicieuse et les incidences plus personnelles de ce compagnonnage forcé. Face à une actualité où les démons semblent renaître, Olivier Mannoni nous alerte sur le pouvoir du discours tronqué, trompeur et d'autant plus efficace qu'il est simpliste.
Mon avis
Ce résumé a tout de suite capté mon attention, et j'ai vraiment eu envie d'en savoir plus sur ce par quoi cette homme a dû passer pour accomplir cette tâche titanesque : la traduction de Mein kampf, livre de 700 pages remplies d'idées horribles et révoltantes, en outre écrit dans un style lourd et abscons.
Je n'ai pas été déçue, Olivier Mannoni explique très bien ce qu'il a traversé sur plusieurs années : les doutes avant d'accepter ce travail, les polémiques auxquelles il a dû faire face (est-il bon de republier cet ouvrage qui symbolise tant la haine ?), et les difficultés propres à son travail de traducteur. Pendant deux ans il a travaillé sur un premier jet, en essayant de retranscrire ce qu'Hitler avait écrit mais dans un style compréhensible, plus fluide.
Puis il a dû tout reprendre, l'éditeur lui demandant de tenter de garder le style obscur encombré de périphrases interminables et sans réel sens. Je précise que la nouvelle édition de Mein Kampf est une édition abondamment commentée et contextualisée.
Au final il aura passé quasiment 10 ans dessus.
Il s'attarde sur le pouvoir du choix des mots, y compris dans leur manque de clarté volontaire. Tant de choses peuvent se cacher derrière un simple mot, une expression.
Il décortique le style utilisé par les nazis pour dire sans vraiment dire, ou pour asséner des conclusions terribles, à partir d'éléments brumeux.
Et... Il dérive sur le présent. Et ça fait peur.
Bref, j'ai vraiment trouvé ce livre très intéressant. Quelques passages m'ont demandé une deuxième lecture car parfois complexes. Mais le livre est court et vraiment très accessible.
Est-ce que ce genre de lecture vous intéresse ?