Stanley Kubrick - 1975 - 3h05
Distribution:
Ryan O'Neal: Redmond barry
Marisa Berenson: Lady Lyndon
Patrick Magee, Hardy Krüger...
le superbe trailer 2016 par la BFI
mon avis:
Stanley Kubrick est un réalisateur américain, mais il s'installera très vite en Angleterre, ainsi "Orange mécanique" & "Barry Lyndon" sont 2 films que l'on peut qualifier de culturellement britanniques, et même européens si l'on réalise que les musiques sont puisées dans le répertoire classique.
Kubrick a débuté sa vie par la photo, et ceci se voit, chaque plan est une composition, amoureux du XVIIIe siècle il entreprend de faire un "documentaire" sur cette société, et c'est avec un soin infini qu'il va recréer ce monde, décors, costumes, maquillages, musiques sont d'un réalisme époustouflant. Que ce soit le langage, très châtié, les robes, très décolletées, les uniformes, si séduisants, les pratiques de mariage arrangé, si utiles, les maquillages, si poudrés, et les gestes, si précieux, etc... tout est méticuleusement reconstitué et c'est une véritable machine à remonter le temps que ce "Barry Lyndon", sur ce plan là, l'objectif est magnifiquement atteint.
Fasciné par les peintres de l'époque, il cherchera à se rapprocher de l'esthétique de leurs toiles avec le fameux éclairage à la bougie, si contrastant et saturant tellement les couleurs, d'où une ambiance particulièrement chaleureuse et intimiste. Les scènes matinales de duel, légèrement floutées pour recréer le climat de brume matinale sont superbes et ont visiblement plus qu'inspiré Ridley Scott pour son "The Duellists" qui lui rend ainsi un hommage totalement assumé.
La première partie du film est plutôt dynamique avec romance, duel, bandits de grand chemin, et la reconstitution militaire est particulièrement belle et soignée, quelle allure ces tuniques rouges chargeant au son du fifre ! Ses aventures l'enverront en Europe sur les champs de bataille, ensuite il atterrira à Berlin, en Prusse, où Barry rencontrera son protecteur et instructeur, un chevalier, qui lui permettra de se hisser dans la société aristocratique pour atteindre son rêve, devenir noble.
Et ce sera alors la 2e partie du film: A force de ruse et de séduction, il s'enrichira énormément et se prendra pour un Lord, mais hélas il demeure finalement un roturier aux manières rustres et reste rejeté par la caste aristocratique, et c'est logiquement que la fin du film décrira son déclin.
Bref une narration lente et belle des aventures extraordinaires et vraies d'un Irlandais drôlement culotté et courageux, ou comment réussir sous l'ancien régime.
On peut qualifier ce film d'historique et photographique, et la musique est savamment choisie bien qu'un peu répétitive, ainsi le trio de Schubert est magnifique, par contre la "sarabande" de Haendel, fil rouge du film, est vraiment sur utilisée et devient lassante à la fin.
J'ai beaucoup aimé la 1ere partie qui est sublime, puis le film s'éteint lentement pour basculer dans l'ennui de la cour, la 2e partie aurait du être raccourcie je pense, car même si la reconstitution est parfaite, il ne se passe finalement pas grand chose surtout dans la dernière demi-heure, contemplative.
Au final je serais tenté de noter la 1ere partie par un magistral 5/5, la suite n'étant gratifiée que d'un 3/5, pour au final un 4/5, un film certes très beau, mais très en dessous d'un "2001" ou d'un "Orange mécanique".
Le fond:
Au delà du film, j'aimerai parler du fond de l'Histoire, qui est celle de la Révolution, symbolisée par ce jeune provincial irlandais qui se dresse sans vergogne devant l'officier anglais, révolte du pauvre contre le riche, de l'irlandais contre l'anglais, du paysan contre le militaire et même du jeune contre le vieux. L'amour de sa cousine est le moteur initial de ce révolté, mais la suite c'est son acharnement à vouloir sortir de sa condition dans une société aristocratique verrouillée, c'est donc à priori une mission impossible. De quoi dispose t il comme armes pour franchir ces obstacles ? sa beauté, son physique, sa force physique, son courage, sa détermination, au fil des opportunités, de femmes en femmes, de protecteurs en protecteurs, il touchera presque au but.
Le film est un véritable reportage sur l'ignoble régime des privilèges de la naissance, symbolisé par le jeune Bullington, ce Lord qui le déteste et que lui aussi déteste car il incarne tout ce qu'il combat, à savoir, n'avoir fait que le seul effort de naître pour devenir riche et puissant, alors que lui, parti de rien, traqué par la police, il fera tous les sacrifices et les efforts, sans états d'âmes, étouffant son ego et sa fierté, il courtisera, léchera tous les culs lui permettant de gravir des échelons, la morale n'a évidemment pas sa place, il ne peut pas se payer ce luxe.. Oui la vie de Barry est bien une satyre de cette société injuste, désespérante, où le gueux n'a aucun espoir d'ascension, condamné à la galère, on sait qu'elle vit ses derniers instants, il n'est qu'un éclaireur !
"Eclairage aux bougies"