Je parcours un peu le forum.
J'ai fait un essai dans le cadre de mon Master sur le Le discours de la servitude volontaire de La Boétie.
J'aimerais donc ajouter simplement une contextualisation, car ces dernières années, notamment Jean-Luc Mélanchon, ont repris les propos et ont détourné le contenu originel de l'oeuvre.
Au XVIe siècle, le Discours était conçu comme "une protestation contre la remise en question par le jeune roi Henri II des préorgatives et des pouvoirs des parlements". En effet, La Boétie comme bien d'autres, et notamment son dédicataire, aurait été jaloux face à l'absolutisme des Valois. La Boétie ne s'adressait pas au peuple, mais à son milieu même : la magistrature.
Les copies manuscrites ont circulé dans un cercle restreint, et par ce biais, le célèbre Montaigne.
L'oeuvre est récupérée en 1574, de manière anonyme, par les protestants, soit peu de temps après les événements de la Saint-Barthélémy. L'édition est partielle et tronquée (80% !). Les protestants conditionnent la réception de l'oeuvre et en font un texte appelant au tyrannicide. Le discours devient alors un pamphlet, il revêt les traits d'un manifeste.
Que se passe-t-il ensuite ? On reprend au XVIIe siècle le flambeau pamphlétaire. La France risque l'édition au risque de la censure. L'oeuvre est déjà célèbre en Italie, on voit en lui le "pédagogue de l'humanité". Petit à petit (j'abrège, car je pense que j'ai déjà perdu mon lectorat !), il devient un pamphlet démocrate.
Au XIXe siècle, Le Discours est considéré comme "un complément incontournable des Essais", on peut se le procurer librement. A la suite de la Monarchie de Juillet, les insurrections s'emballent. On redécouvre encore et encore La Boétie. Le Tyran prend les traits de Louis-Philippe. Grosso modo, le Discours redevient un pamphlet d'opposition. Chacun y projette ses préoccupations du moment.
Un peu plus tard, l'approche historiciste perce. Bonnefon remet en perspective l'importance du contexte d'écriture de La Boétie.
Au milieu du XXe siècle, le Discours réapparaît dans la collection "Les Classiques du peuple", aux Editions sociales. Les choix éditoriaux des oeuvres étaient intimement liés à la pensée politique du Parti communiste qui rayonnait alors en France. Le glissement devient très étonnant : il s'agit d'un retournement complet du propos de La Boétie, devenant la voix du peuple.
Il faut bien comprendre que La Boétie n'écrivait pas son oeuvre, en son temps, pour le peuple qu'il nomme insidieusement "Le gros populas", mais pour quelques privilégis piqués par la curiosité intellectuelle et artistique, que l'auteur présente ainsi : "Tousjours s’en trouve il quelques uns, mieulx nés que les autres, qui sentent le pois du joug et ne peuvent tenir de les secouer ."
Durant la Seconde guerre mondiale, La Boétie prend les traits d'un parfait résistant sous la plume de Kurz, américain, qui traduit le Discours sous le titre : Anti-dictator. L'oeuvre circule comme un étandard communiste.
Il s'agit d'un grand texte, avec une force d'interpellation immense. Tellement forte, que nous cristallisons notre époque entre ses lignes.
J'espère n'avoir sincèrement pas emmerdé mes camarades de Popcorn.
Of course, of course... But... MAYBE...