Si je devais retenir une phobie qui possède son lien avec mon ressenti personnel face aux espaces publics, le monde etc c'est sans doute les magasins et le sacerdoce que représente le passage en caisse.
Je sais pas ce qu'il se passe mais y a une malédiction personnelle à ce niveau là.
Bien sûr les fringues ont eu leurs responsabilités.
A chaque pauvre morceau de tee-shirt ou de jean inoffensif c'est toujours la même chanson, je rentre chez moi, je prends un ciseau je découpe les 3 étiquettes, même celle ou y a écrit made in Taiwan et je perce le tee-shirt sans faire exprès mais je suis serein.
Mais les jours d'après patatras c'est toujours la même rengaine, j'arrive à la caisse du magasin avec mon paquet de cookies Granola et mon paquet de tranche de jambon et je sonne au détecteur.
Je sais que c'est moi mais à ce moment-là je fais comme tout le monde, je regarde les autres personnes avec un regard inquisiteur qui signifie "c'est une honte".
Dés fois je force le passage mais la dame me dit "Monsieur c'est vous".
Et là je stresse.
J'agite mes grands segments, la dame me demande de retourner mon haut, j'entends ce qu'elle dit mais mes capacités d'analyse frôlent le néant.
Elle me parle d'étiquette. Je réponds complot.
Les gens me regardent, quelle horreur.
Aussi paradoxal que cela puisse sembler, faire le fifrelin et écrire des petites bêtises sur un forum est une chose mais "attirer" l'attention me répugne quand faut sortir dans le grand monde. (sauf en petit comité) (pas plus de 8 personnes sinon je stresse) (10 si j'suis on fire)
Bref, à ce moment là bien sûr, dans le magasin, la mamy d'1m52 que j'humiliais du regard juste quelques secondes auparavant me dédaigne. J'ai l'impression d'être un bandit alors que je veux juste fuir.
Je tasse les épaules, j'accentue mon tassement de nuque pour perdre quelques centimètres mais rien à faire je domine toujours l'assistance du haut de mon mètre quatre vingt quinze.
"ouin-ouin mais c'est génial d'être grand"
A ce moment là, moyen-moyen bébé.
Bien sûr les fringues c'est classique, alors dés fois comme il y a 2 mois, j'y met un peu plus de panache.
Cette fois-ci c'est mon portefeuille que j'ai depuis 5/6ans qui s'est mis en branle.
Cette lente agonie pour vider son portefeuille sur le tapis de caisse de la dame du supermarché..
Vous me direz "ça va fait pas chier" oui certes poser sa carte vitale sur le tapis de caisse est une chose mais sortir sa carte de réduction de Dynamite Games avec une grille complète de tampons qui donne droit à une réduction de 12 euros + un goodies et la laisser échapper pile à la jointure du tapis de caisse dans un endroit inaccessible et obligé de lui dire adieu car perlimpinpin qui est derrière avec son sac de patates n'a pas le temps, c'est un crève-coeur.
Tout ça pour au final se faire entendre dire par la dame "Ha non c'est pas le portefeuille".
Il y a un mois ça été la goutte d'urine qui a fait déborder le vase.
Le samedi soir on va chez le copain, on blablate, on fait les pignoufs, pas de soucis.
Au petit matin du dimanche, nous sommes trois. Petit creux, on file faire 2/3 courses vers 8h du mat. On est frais comme des gardons. On est un peu défoncé.
Et là ça été une première.
D'entrée de jeu j'ai sonné sur la borne d'accueil qui jouxte l'entrée officielle du magasin.
Nous sommes trois. Je regarde mon ami qui s'écarte discrètement.
Je regarde mon amie qui s'écarte elle aussi discrètement.
C'est bibi qui régale.
Je sonne comme un putain de petit train électrique qui fait "tut-tut" à la gare.
Comme c'est une grosse ville (comprendre + de 10 000 habitants) à ce moment là, le vigile vient faire son caid.
Ce fut la goutte de trop.
Il a pas eu le temps de sortir son colt car je me suis barré. Il a voulu me retenir "non mais monsieur il y a une explication rationnelle".
J'ai pensé à toutes mes étiquettes maudites, mon portefeuille magique, ma clé à café magnétique, mes ouvertures gênantes de veste comme si j'étais un prédateur qui accroche des sucettes à l'intérieur de ses coutures pour les petites filles et je suis parti avant même d'entrer au supermarché comme un prince refusant ma culpabilité.
Demain midi j'ai un sandwich à acheté et j'ai peur.