J'ai l'habitude de vivre de peu. Je fais de la récupe, je bidouille du matos de seconde main. Par exemple, un temps je construisais des unités centrales à base de composants de récupe avant que ça devienne inintéressant (on trouve des ordis à 100 balles sur les sites chinois et Amazon, et moins en ressourcerie, qui suffisent à une utilisation courante). Je précise que je faisais ça pour des particuliers qui n'avaient pas les moyens de se payer un ordi.
Je n'ai pas besoin de posséder quoi que ce soit. Pour moi, le luxe suprême serait de jouir de tout sans rien posséder : je suis allergique aux contraintes.
Pour en venir à la question, si l'argent ne fait sans doute pas le bonheur (sans quoi le marché de la cocaïne dans les hautes sphères de la société serait anecdotique), il en faut assez pour s'éviter l'angoisse des fins de mois, et un peu plus pour choisir sa vie.
Choisir sa vie, ça voudrait dire, vivre où l'on a envie de vivre et non là où l'on peut trouver à se loger, pouvoir s'y épanouir soi et y garantir à son couple et à sa petite famille, quand on en a, une existence de qualité. C'est sûr que quand tu vis du RSA et que tu te retrouves en HLM dans la banlieue de quelque ville grise, cerné d'un voisinage toxique et de dealers, il te reste le Témesta.
Le problème n'est pas tant dans les écarts de revenus, même s'il est indécent de ne pouvoir vivre de son travail en-dessous d'un certain seuil, et de voir que le Smic est fiscalisé, le problème c'est ce que nous coûte de vivre dans un pays qui est devenu celui de tous les impossibles, à cause de plusieurs facteurs. Une bureaucratie écrasante qui soumet toute initiative individuelle à un flicage administratif décourageant ; des bas salaires si inintéressants qu'il vaut mieux trouver le moyen de survivre d'allocs ; une politique du logement à la ramasse, où n'importe quel placard peut être loué pour un loyer pharamineux, selon où il se trouve, y compris dans des bleds reculés comme le mien, un désert médical où il n'existe pas de bassin d'emplois, où les petits commerces périclitent, où l'héritier de carrière propose ses petits meublés merdiques de 20 m² à 450 balles et ses T2/3 jusqu'à 900 balles (sans qu'ils trouvent preneurs), frais d'agences en sus.
Coût de la vie, surtaxations électricité, gaz, eau, explosion des normes (DPE et consorts, contrôle technique automobile de plus en plus restrictif, flicages administratifs virant à la pathologie étatique...), inflation récurrente, précarisation des emplois depuis les années 80... Oui, il vaut mieux être bien né dans ce pays qui est devenu une usine à pauvres depuis que l'UE nous impose ses réformes régressives et que sa bureaucratie s'ajoute à la nôtre, déjà pléthorique.
On évoquait le Revenu Universel, dont je rappellerais que malgré ses allures libertaires, il est une idée de droite qu'en son temps, Raffarin avait remise au goût du jour. Disons que cela restera au stade du débat, jusqu'à ce que les phénomènes de paupérisation de masse deviennent suffisamment préoccupants pour le devenir du système. Là, on peut penser que le système lâchera du lest et mettra en place un revenu non pas universel mais garanti et sans contrepartie à l'intention des pauvres, sorte de RMI à vie qui s'ajoutera aux bas revenus tirés des contrats jetables et permettra aux gens de se maintenir dans une relative intégration sociale.
Aucun système politique ne survit à la pauvreté de masse...