Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio]
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La façon dont nous nous approprions les choses, le choix même de s'approprier telle chose au lieu de telle autre, et plus généralement nos goûts ne tombent pas du ciel, ils sont construits sociologiquement au cours de notre existence et ce dès le plus jeune âge. Dans l'étude qui nous intéresse, Wilfried Lignier, cherche à montrer que la façon dont nous nous approprions notre environnement, les objets qui nous entourent et même les personnes dépend de différents facteurs sociologiques et que ceux-ci agissent dès la toute petite enfance (3 ans et moins).
Pour se faire, le chercheur va mener une étude ethnographique au sein d'une crèche en région parisienne, crèche qui regroupe des enfants issus de différentes classes sociales et de diverses nationalités. Pendant plusieurs semaines, il va suivre un groupe d'enfants (âgés de 2 à 3 ans) pour pouvoir observer sur le terrain le comportement des enfants lors de l'une de leurs premières socialisations, leurs interactions avec leurs pairs et avec des adultes qui ne font pas partie de leur famille, les stratégies qu'ils déploient pour s'approprier objets et individus. Il va aussi s'attarder sur le cas de chaque enfant du groupe pour avoir un aperçu de leur parcours sociologique ainsi que voir comment chacun fonctionne individuellement.
Plus précisément, au cours de cette étude, Lignier va étudier les aspects qui impactent la sociogenèse des pratiques :
- Rôle de l'environnement institutionnel (relations avec le personnel de puériculture, objets mis à la disposition des enfants, volonté d'éviter toute forme de conflit...)
- Importance des relations extérieures au terrain (entretien avec les parents et exploration du domicile familial)
- Le rôle des adultes et des autres enfants en tant qu'agents sociaux
- Formations de préférences enfantines a posteriori (après la prise)
- Les différentes manière de prendre
- L'appropriation d'autrui, qui va déterminer les embryons de relations interpersonnelles
La première chose que Lignier met en avant lors de son étude est que loin de l'idée institutionnelle de l'enfance (l'enfant est bon, il ne faut pas le contraindre mais le laisser s'exprimer, ne pas chercher à le brider mais l'encourager ou, en cas de conflit, enrayer celui-ci par des moyens détournés plutôt que de manière frontale...), la violence est déjà présente au quotidien chez l'enfant en bas âge : celui-ci cherche à s'approprier les choses, les relations, l'espace de manière souvent brutale à l'égard de ses pairs mais aussi du personnel. Cette violence s'exerce notamment dans le but de s'approprier un objet et peut être de forme physique (pousser, tirer...) ou symbolique (plus l'enfant maîtrise le langage, plus il va en user pour s'approprier les choses autour de lui).
Lignier constate qu'il y a souvent une gradation dans la violence et que les enfants font souvent plutôt usage de contraintes physiques (se mettre devant l'autre, le bloquer...) plutôt que de frapper ou taper. Ils savent aussi vers qui ils peuvent se permettre de faire preuve de contrainte physique et ceux qui vers il vaut mieux éviter. De fait, les enfants ont tendance à faire preuve de contrainte physique plutôt à l'égard d'enfants plus jeunes qu'eux (moins forts donc et qui sont moins capables de signaler à un adulte un souci puisque moins compétents au niveau du langage) et d'éviter le conflit avec des enfants qui sont plus forts et qui ont un capital symbolique d'enfants « violents » auprès de leurs pairs et des adultesIl fait aussi remarquer l'importance du rôle que joue l'adulte dans l'appropriation des choses par l'enfant, et le fait qu'il impose des préférences à l'enfant en mettant en avant tel ou tel objet, telle ou telle manière de jouer avec :
Mais, l'usage que les pairs (aka les autres enfants) font des objets va aussi influencer l'appropriation de l'enfant. Si, comme le montre Lignier, un enfant commence à utiliser une scie en jouet comme un pistolet, les autres enfants vont avoir tendance à reprendre cet usage par la suite. D'autre part, un objet ou un espace devient préférable aux yeux d'un enfant aussi parce qu'un ou plusieurs autres enfants cherchent à le prendre. Enfin, Lignier note aussi un phénomène de réappropriation de l'objet : « tout se passe souvent comme si la volonté manifestée par des camarades de prendre ce qui a été délaissé par un enfant impliquait chez ce dernier une revalorisation immédiate, se traduisant concrètement par une tentative de prendre à nouveau, ou encore par l'expression publique d'un sentiment d'expropriation (pleurs, réclamation, etc.) ».
Avec le phénomène de réappropriation, Lignier met notamment le doigt sur cette situation que l'on a tous pu observer avec les jeunes enfants, qui donnent l'impression que l'on va les exproprier de l'objet que l'on vient juste de leur donner et/ou qu'ils semblent tout à coup intéressés par un objet qui leur paraissait sans valeur une fois qu'on leur a donné un usage différent du leur :
Mais il existe aussi fréquemment le cas où la valeur des choses se fait a posteriori de la prise (de l'appropriation), lorsque l'enfant semble prendre quelque chose de manière accidentelle, démotivée, parce qu'il les a sous la main.
« la valorisation des choses a posteriori repose sur un double mouvement : d'une part, en direction des choses, consistant à s'efforcer de les percevoir différemment ; d'autre part, en direction des personnes, des autres, consistant, pour l'enfant, à les faire participer à une opération de rehaussement symbolique de l'objet ou de l'espace sur lequel il a la main. »
Par exemple : exhiber un objet est un moyen de lui donner de la valeur (en se mettant silencieusement devant quelqu'un pour attirer son attention sur l'objet qu'on manipule, en utilisant le langage pour attirer l'attention sur ce que l'on fait/ce que l'on a...).
D'autre part, il est à noter que c'est rarement auprès de leurs pairs que les enfants cherchent à valoriser leur prise a posteriori mais plutôt auprès des adultes : « cela tient sans aucun doute au fait que les adultes, en tant que porteurs d'un pouvoir symbolique important – celui-là même qui permet d'attirer l'attention d'un grand nombre d'enfants à la fois sur tel jeu ou tel espace – promettent un valorisation des bien supérieure à celles des autres enfants. », ainsi que le fait de valoriser auprès de ses pairs peut conduire à se faire exproprier sa prise.Néanmoins, exhiber ne suffit pas toujours à rendre la chose valorisante aux yeux des autres surtout quand la chose en question est banale dans l'environnement et/ou que tout le monde en dispose déjà. Dans ce cas-là, l'enfant met en place des productions symboliques pour donner de la valeur à ce qu'il prend : cela peut être en nommant la chose (ce qui va lui donner un signifiant, une réalité propre, une singularité).
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le cas du dessin/pâte à modeler/peinture/etc. : lors de ces ateliers, les enfants sont laissés libre de produire ce qu'ils veulent et comme ils veulent, ils ne reçoivent que peu de directives de la part des auxiliaires. C'est donc eux qui vont à un moment donné nommer ce qu'ils ont produit pour donner du sens, après coup, à l'objet créé.
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Plus que nommer l'objet, le décrire ajoute encore à la valorisation de celui-ci. Il ne s'agit pas uniquement pour l'enfant d'exhiber son savoir mais d'installer les choses dans un domaine de signification partagée.
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La fictionnalisation : « elle transforme une chose ordinaire en une chose extra-ordinaire – en un objet auquel les enfants n'ont normalement pas accès, comme le café (quand un enfant indique que les verres en plastique de la dînette sont des verres à café, par exemple) […] En réalité, la fictionnalisation enfantine peut prendre une forme plus experte que la simple substitution d'un signifiant. Il s'agit alors non seulement de faire un usage explicitement métaphorique de ce que l'on a en main, mais aussi d'insérer cette chose dans un véritable récit, qui lui donne une fonction distinctive, sur un plan symbolique. »
Enfin, les enfants cherchent aussi à s'approprier des personnes. Les individus sont considérés comme des « super choses » par les enfants et pas forcément toujours comme des êtres vivants à part entière. (cf. quand un enfant s'approprie une partie du corps d'un camarade pour jouer avec, en s'asseyant sur la jambe de l'autre enfant, en jouant à lui donner à manger comme on le fait avec une poupée, etc.). Cette appropriation de l'autre peut se faire de plusieurs manières différentes :
- Principe d'alliance (renvoie au concept anthropologique).
Ce sont des interactions coopératives entre enfants : « les enfants les plus âgés sont les plus coopératifs […] ». Dans les interactions répétées, Lignier remarque qu'il y a une ségrégation sexuelle stricte (les filles interagissent plutôt ensemble, les garçons entre garçons) et, au sein même, de ces interactions sexuées, il constate que celles-ci diffèrent dans leurs formes : « il est intéressant de noter leur forme différente. Côté garçon, on observe une relation organisée en étoile, autour de Kaïs, ce qui signifie que ses alliés ne coopèrent pas particulièrement entre eux – ici, « les amis de mes amis ne sont pas mes amis », pour ainsi dire, les coopérations s'ignorent les unes les autres. Côté fille, la situation est très différente. On observe des triangles contigus, qui correspondent au fait que les alliées d'une même enfant (en particulier, celles de Jane, Garance et Livia) sont également alliées entre elles. Ici, donc, les « amies de mes amies sont mes amies », ce qui, au fond, signifie qu'on a affaire à un groupe davantage constitué, cohésif, que dans le cas des garçons. »
D'autre part, interagir avec un enfant est déjà en partie géographiquement socialisé puisque comme cela a été montré précédemment par Lignier, les enfants sont déjà influencés par des déterminants sociaux dépendant de leur milieu social et de leur sexe. Ex : les filles vont avoir plus tendance à se tourner vers les dînettes, coiffeuses, etc., ce qui va évidemment entrer en ligne de compte dans leurs interactions : vu que ce sont surtout les filles qui jouent avec ces jouets, elles se retrouvent à jouer côte à côte et si interactions il y a, il y aura de fortes chances pour ce que ce soit avec une autre fille. Idem, pour les garçons : « on comprend que l'homogamie sexuelle attestée par l'analyse de réseau repose avant toute chose sur une relative homogénéité sexuelle des espaces locaux de l'action, elle-mêmes résultante d'une sexuation des préférences, des habitus. Le point important, il me semble, est que la socialisation genrée des jeunes enfants ne produit a priori pas directement la ségrégation sexuelle : les enfants ne cherchent pas directement à s'allier avec des camarades de même sexe. La ségrégation en question est matériellement, pratiquement médiatisée : chaque sexe a tendance à fréquenter des endroits spécifiques, ce qui crée des rapprochements d'abord involontaires, fortuits, mais ouvrant manifestement la voie à des investissements relationnels plus substantiels. ».
- Le transfert : « En d'autres termes, la logique implicite des transferts des jeunes enfants est typiquement la suivante : il est attendu de l'autre, l'adulte le plus souvent, qu'il aide l'enfant à valoriser une chose prise. Empiriquement parlant, cela donne des scènes comme les suivantes, où l'on voit de jeunes enfants qui semblent attendre (et éventuellement obtenir) de leur pratique du transfert une démonstration de valeur ». C'est-ce ce que l'on appellera un transfert de valorisation.
Tandis que les enfants plus âgés ne sont plus dans l'optique de forcément faire valoriser ce qu'ils ont pris de la part d'autrui mais plutôt dans celle de donner dans le but de recevoir une forme primaire de liens affectifs en venant modifier l'attitude de la personne qui reçoit. Ces transferts se font autant en direction d'adultes que d'enfants et les objets transférés ne sont pas de faibles valeurs. ==> transfert-don.
La pratique du don, du partage est encouragée par les crèches et par les auxiliaires qui poussent les enfants à partager et les félicitent quand ils le font spontanément. Brièvement résumé, le don est une pratique valorisée par les autres et influencée par la crèche ainsi que par les autres enfants avant qu'elle soit intériorisée par les enfants eux-mêmes (qui finissent par le faire de manière spontanée). Le langage aussi (« tiens », « regarde », « regarde ce que j'ai trouvé pour toi ») indique que les choses données sont spécialement choisies pour autrui.
Au cours de cette étude, Wilfried Lignier nous montre donc qu'il n'y a rien d'anodin dans le fait de s'approprier un objet ou un individu pour les jeunes enfants. Les premières situations de socialisation permettent à l'enfant d'adopter d'intérioriser les règles sociales fondamentales qui vont ensuite définir leurs comportements et leurs actions, leur rapport à autrui et aux choses tout au long de leur existence. Rien ne va de soi chez un individu et pour les enfants, il s'agit d'apprendre à prendre, à s'approprier les choses et leur environnement.
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Ah intéressant ton topic ! Très sympa à lire @Egon j'aime bien. Pour la construction des enfants j'étais bloqué auparavant sur le principe du mimétisme.
En lisant la description du livre, il y a un petit point qui m'interroge a priori, c'est la taille de l'échantillon :
À partir d’une enquête ethnographique menée dans une crèche auprès d’une trentaine d’enfants de deux à trois ans
Cela fait peu, non ?
Je dis cela mais je trouve que le résumé que tu fais est fort pertinent et bien décrit même si j'y connais pas grand-chose. Les enfants font preuve d'une forme de violence, ce sont des monstres après tout. C'est intéressant de voir déjà le degré de conscience des rapports de force qu'ils ont vis-à-vis des autres.
C'est amusant de voir la différence de traitement du mimétisme entre leurs pairs et les adultes ( adulte = Dieu pour eux ).
Sur le principe d'alliance et des interactions sexuées :
il constate que celles-ci diffèrent dans leurs formes : « il est intéressant de noter leur forme différente. Côté garçon, on observe une relation organisée en étoile, autour de Kaïs, ce qui signifie que ses alliés ne coopèrent pas particulièrement entre eux – ici, « les amis de mes amis ne sont pas mes amis », pour ainsi dire, les coopérations s'ignorent les unes les autres. Côté fille, la situation est très différente. On observe des triangles contigus, qui correspondent au fait que les alliées d'une même enfant (en particulier, celles de Jane, Garance et Livia) sont également alliées entre elles. Ici, donc, les « amies de mes amies sont mes amies », ce qui, au fond, signifie qu'on a affaire à un groupe davantage constitué, cohésif, que dans le cas des garçons.
Pourquoi une telle différence entre les garçons et les filles ? C'est inné ? Acquis ?
Intéressant la partie sur la question du don aussi ! Bon ça reste un don qui n'est pas altruiste mais bon.
J'ai une autre question aussi ? Si je saisis bien l'enfant ne fait pas encore la différence entre les adultes. Pour lui un adulte en vaut un autre ( qu'il soit socialement dominé ou pas je veux dire ). C'est vers quel âge qu'il ferait la distinction ?
En tout cas il a l'air bien ce livre !
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@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
En lisant la description du livre, il y a un petit point qui m'interroge a priori, c'est la taille de l'échantillon :
À partir d’une enquête ethnographique menée dans une crèche auprès d’une trentaine d’enfants de deux à trois ans
Cela fait peu, non ?Je comprends que l'on puisse trouver que ça fasse peu mais en choisissant de se tourner vers une étude ethnographique, Lignier voulait avoir une approche qualitative et donc qui entre plus dans le détail et approfondit plus les questions de l'appropriation des choses et des personnes par les jeunes enfants alors qu'en passant par une méthode quantitative où les statistiques se baseraient sur un échantillon plus grand (et donc plus proportionnel à la population étudiée) il n'aurait pas eu l'occasion de voir de si près les comportements étudiés.
D'ailleurs, tout le chapitre 1 du bouquin s'attarde sur le choix de la méthode et il explique notamment son choix par le fait que sa problématique n'est quasiment pas étudiée en sociologie et donc que faire une étude quantitative à ce stade serait inutile puisqu'il faut d'abord prendre le temps de s'intéresser de près à cette question avant de pouvoir la faire valider par le nombre.@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
C'est amusant de voir la différence de traitement du mimétisme entre leurs pairs et les adultes ( adulte = Dieu pour eux ).
Ouaip et on y fait pas forcément attention quand on est en interaction avec des enfants. Certes, on remarque qu'ils s'intéressent particulièrement à ce que l'on peut dire ou faire devant eux et on s'amuse de leur réaction mimétique, mais c'est bien plus intrigant quand on est vraiment attentif à leur comportement face à un ou des adulte(s) et que l'on remarque qu'effectivement, la moindre prise d'un objet, le ton que l'on utilise pour leur parler, nos mimiques marquent vraiment les enfants, attisent leur curiosité et donner de l'attrait pour ce qui n'en avait pas l'instant d'avant.
@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
Pourquoi une telle différence entre les garçons et les filles ? C'est inné ? Acquis ?
Ahah, parler d'innéisme en sociologie, c'est une hérésie, rien n'est inné dans le comportement d'un individu dans cette discipline (sauf si on est un fieffé évolutionniste). Alors, en regardant mes notes sur la question, j'avais déjà relevé dans un premier les raisons qui poussent les enfants à se tourner plutôt vers ceux de leur sexe plutôt que ceux du sexe opposé :
Interagir avec un enfant est déjà en partie géographiquement socialisé puisque comme cela a été montré précédemment par Lignier, les enfants sont déjà influencés par des déterminants sociaux dépendant de leur milieu social et du sexe. Ex : les filles vont avoir plus tendance à se tourner vers les dînettes, coiffeuses, etc., ce qui va évidemment entrer en ligne de compte dans leurs interactions : vu que ce sont surtout les filles qui jouent avec ces jouets, elles se retrouvent à jouer côte à côte et si interactions il y a, il y aura de fortes chances pour ce que ce soit avec une autre fille. Idem, pour les garçons. ==> « on comprend que l'homogamie sexuelle attestée par l'analyse de réseau repose avant toute chose sur une relative homogénéité sexuelle des espaces locaux de l'action, elle-mêmes résultante d'une sexuation des préférences, des habitus. Le point important, il me semble, est que la socialisation genrée des jeunes enfants ne produit a priori pas directement la ségrégation sexuelle : les enfants ne cherchent pas directement à s'allier avec des camarades de même sexe. La ségrégation en question est matériellement, pratiquement médiatisée : chaque sexe a tendance à fréquenter des endroits spécifiques, ce qui crée des rapprochements d'abord involontaires, fortuits, mais ouvrant manifestement la voie à des investissements relationnels plus substantiels. » (cf. p.277).Dans un second temps, pour répondre plus précisément à ta question : autant le fait que les enfants se rapprochent plutôt de ceux du même sexe que du sexe opposé dépend notamment de l'agencement des crèches, autant leur comportement au sein du groupe de même sexe dépend de l'éducation genrée. dès le début, les enfants ne sont pas éduqués de la même manière en fonction de leur sexe, les petits garçons sont plus dans l'affirmation, les filles dans la coopération et cela se ressent fatalement dans leurs interactions avec les enfants du même âge. Je n'ai pas noté de citation détaillée sur la question par contre et comme je ne possède plus l'ouvrage, je ne peux pas vite fait t'en trouver une.
@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
J'ai une autre question aussi ? Si je saisis bien l'enfant ne fait pas encore la différence entre les adultes. Pour lui un adulte en vaut un autre ( qu'il soit socialement dominé ou pas je veux dire ). C'est vers quel âge qu'il ferait la distinction ?
J'ai lu une autre étude (L’enfance de l’ordre. Comment les enfants perçoivent le monde social) de Wilfried Lignier et Julie Pagis qui : " s’intéressent dans cet ouvrage à la socialisation enfantine et se donnent pour objectif de comprendre la façon dont les enfants se représentent le monde et plus particulièrement dont ils parviennent « à appréhender l’ordre social dans ses diverses dimensions, à s’y repérer, à classer et à se classer socialement » (p. 9). Cette étude de la prime socialisation repose sur une enquête de terrain réalisée uniquement auprès d’enfants, durant deux années consécutives, dans deux écoles élémentaires d’un même quartier de la région parisienne aux recrutements toutefois socialement différenciés." (cf. Cairn info).
Les enfants qui participent à l'étude ont entre 7 et 10 ans et les chercheurs montrent qu'ils sont conscients de la hiérarchie sociale et des rapports de force qui existent au sein de la société mais que leur perception dépend et varie en fonction du milieu social dont ils sont issus ainsi que de leur genre et de leur origine migratoire (si ils sont issus de double culture ou non).
Donc, on pourrait dire qu'ils acquièrent rapidement certaines connaissances sur le fonctionnement du monde dans lequel ils vivent mais le nuancier propre à l'adulte (qui lui aussi reste néanmoins socialement situé) ne leur est pas encore parfaitement accessible.@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
En tout cas il a l'air bien ce livre !
Farpaitement ! Je te l'aurais bien prêté mais je l'ai déjà filé à un membre.
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Merci pour tes explications ! J'assume entièrement mon côté innéiste, je suis un scientifique, pas un sociologue, non mais !
@Egon a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
Dans un second temps, pour répondre plus précisément à ta question : autant le fait que les enfants se rapprochent plutôt de ceux du même sexe que du sexe opposé dépend notamment de l'agencement des crèches, autant leur comportement au sein du groupe de même sexe dépend de l'éducation genrée. dès le début, les enfants ne sont pas éduqués de la même manière en fonction de leur sexe, les petits garçons sont plus dans l'affirmation, les filles dans la coopération et cela se ressent fatalement dans leurs interactions avec les enfants du même âge.
En fait je suis un peu dubitatif, mais ce n'est pas uniquement la différence affirmation / coopération, c'est aussi par rapport à l'âge des enfants. Que ce soit aussi jeune ça m'interroge. Et du coup ça me donne envie de lire pour mieux comprendre son point de vue. Je pense que je le lirais un de ces jours mais il ne faut pas être pressé vu ma liste de lectures.
Il y a aussi ce point que j'ai relevé dans une interview de Wilfried Lignier sur Libération :
Et quand ces psychologues observent des disparités entre deux enfants, ils ne savent pas quoi en faire. Une étude de psychologie expérimentale a ainsi observé que parmi les enfants de 6 mois à 3 ans, les petites filles ont tendance à prendre les objets du bout des doigts plutôt qu’à les agripper à pleine main. Les scientifiques ont donc tenté d’expliquer cette différence par la taille de leur main, plus petite que celle des garçons… L’idée que les filles pourraient prendre avec plus de minutie les choses parce qu’en deux ans de vie sociale on les a déjà incitées à être «délicates» semble impensable dans cette étude.
Là aussi c'est intriguant déjà à cet âge-là. Quoique à titre personnel cela me surprend bien moins que la différence de coopération. Surtout quand tu entends les parents, en disant par exemple "elle sera douce plus tard" à leur fille. On n'est parfois pas très éloigné de la prophétie autoréalisatrice.
Rien à voir avec le sujet mais c'est marrant cette opposition psychologie / sociologie dans l'interview.
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@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
Et du coup ça me donne envie de lire pour mieux comprendre son point de vue. Je pense que je le lirais un de ces jours mais il ne faut pas être pressé vu ma liste de lectures.
Et y'a quoi d'autres dans ta liste de lectures ? °_°
@Trichemire a dit dans Rien ne va de soi, le cas de l'appropriation des choses [Socio] :
Rien à voir avec le sujet mais c'est marrant cette opposition psychologie / sociologie dans l'interview.
C'est loin d'être étonnant quand on connaît les deux milieux. Leur champ de recherche n'est pas le même et ça se ressent clairement dans leur façon d'interpréter des résultats d'une étude. La Sociologie étudie les rapports entre les individus, entre ceux-ci et les institutions qui régissent la société tandis que la Psychologie s'intéresse essentiellement à l'individu en lui-même, son rapport à lui-même et aux autres. Bref, dans un cas l'angle est sociétal, on cherche à comprendre comment le fonctionnement des différents groupes qui constitue une société ont des conséquences sur la vie des individus à tous les niveaux de leur existence, tandis que de l'autre on s'intéresse au fonctionnement de l'individu et ce qui lui est extérieur (les autres, la société, son environnement...) ne sont que des variables et non le sujet principal d'observation.
On pourrait aussi ajouter que la Psychologie dans son champ expérimental puise pas mal aussi du côté des neurosciences, ce qui fait qu'elle a du mal à s'extraire de certaines notions des sciences naturelles comme l'innéisme. -
@Egon Je suis toujours à la ramasse dans les lectures ! J'ai même un livre de psychologie tiens.
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@Trichemire Je diagnostique trop de curiosité saupoudrée d'une bonne dose de flemme. J'ai juste ? °_°
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@Egon C'est exactement ça c'est terrible.
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@Trichemire Je connais bien parce que je suis aussi comme ça et je me disperse facilement.