@Astyanax a dit dans Paris, grandiose ou morose ? :
Je tiens Paris en estime, quand la ville s'attache à mes souvenirs d'enfant. J'y suis restée 8 ans, dans le 1er et 2e arrondissement.
Petite, mon père m'emmenait dans les cafés, tôt le matin, avant d'aller travailler. Je finissais les tasses. Je voyais les marchands s'activer. La rue semblait nette, les gens joyeux. J'étais trop petite pour cerner une accélération. Il y avait une grosse tête en pierre, tout au bout, j'y faisais du skate avec ma sœur. Un parc, qui nous semblait grandiose. Il était payant, on y allait rarement : c'était notre Elysée.
Je faisais des tours en scooter, derrière mon père, et j'entendais ses discours sur les grands monuments.
À 21 ans, je suis revenue en Ile-de-France. En Seine-et-Marne. J'allais à Paris, de temps en temps, perdue. L'impression de sentir l'urine partout, de donner mes piécettes partout, d'être piétinée ; en vérité, je n'ai connu que le RER, encore et toujours, vers différentes écoles et/ou boulots. Parfois, un moment de grâce, un café, sur une place assez silencieuse. Je suis retournée, il y a deux ans, dans la rue de mon enfance. J'ai pleuré. Tout semblait laid, rapide, la grosse tête était grise, crasseuse.
Puis, emmenant quelques élèves visiter la ville, j'ai vu l'émerveillement de la Tour Eiffel dans leurs yeux. Et j'ai accepté que les grands symboles perdurent ; moins les petits, les intimes, l'odeur de ma rue.
Je rebondis là-dessus car le salissement progressif de Paris est devenu depuis de nombreuses années récurrent dans les discussions de parisien-n-e-s. Il y en a probablement pour s'en accommoder mais beaucoup en font une des raisons de leurs envies d'ailleurs. Les clopes abondent sur les trottoirs, les papiers et petits emballages sont courants, les bordures intérieures du périphérique sont parfois jonchées de détritus, les poubelles publiques débordent dans plusieurs quartiers (pas ou peu dans l'hyper centre évidemment car la voirie est sélective). La pression démographique a également augmenté l'agressivité, la civilité a quasiment disparu. Plus personne ou presque ne cède le passage, la place, l'entrée ou, surtout, la sortie. Bousculer est re-devenu un standard. Ceci à pied comme en véhicule car avec la multiplication des deux roues, des vélos, des trottinettes, des gyroroues, etc., ça déboule de partout. les voies ne sont pas respectées car mal conçues, discontinues, trop chargées à certaines heures...
@Martin a dit dans Paris, grandiose ou morose ? :
par contre j'ai souvenir d'une amie à moi qui y a vécu qui me disait "on différencie un parisien d'un touriste à sa vitesse de marché". Effectivement moi je prenais mon temps bien comme il faut là où la foule locale semblait vouloir aller toujours plus vite.
Tu ne le croirais pas peut-être, depuis un mois que je suis ici, je n'y ai encore vu marcher personne. Il n'y a pas de gens au monde qui tirent mieux partie de leur machine que les Français ; ils courent, ils volent : les voitures lentes d'Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomber en syncope. Pour moi, qui ne suis point fait à ce train, et qui vais souvent à pied sans changer d'allure, j'enrage quelquefois comme un chrétien : car encore passe qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête ; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement. Un homme qui vient après moi et qui me passe me fait faire un demi-tour; et un autre qui me croise de l'autre côté me remet soudain où le premier m'avait pris ; et je n'ai pas fait cent pas, que je suis plus brisé que si j'avais fait dix lieues.
Lettres persannes, XXIV, Rica à Ibben