Catherine Dior héroïne de la Résistance
Nous sommes en novembre 1941. Catherine est à Cannes. Dans un magasin, elle rencontre Hervé des Charbonneries. Coup de foudre. Catherine épouse les convictions de son compagnon : elle entre dans la Résistance. Hubert, le fils d’Hervé, raconte ainsi ses souvenirs à la maison Dior : « Mon père appartenait à un réseau franco-polonais de la Résistance qui agissait dans la zone Sud sous la tutelle de l’amiral Trolley de Prévaux. Ce réseau avait pour mission de fournir un maximum d’informations sur ce qui se passait en zone Sud. Catherine tapait les rapports à la machine avant leur envoi à Londres. » L’amiral Trolley de Prévaux est arrêté à Marseille en août 1944. Le réseau est en danger. C’est la fuite.
Catherine loge parfois chez Christian qui ne sait rien de ses activités. Le 6 juillet 1944, elle a rendez-vous place du Trocadéro avec une amie de son réseau. Mais ce sont deux membres de la Gestapo qui se présentent. Torturée, elle ne livrera jamais le nom de ses camarades. Elle est déportée le 15 août 1944 dans le dernier train pour Ravensbrück. Le 6 juillet 1944, alors qu’elle a rendez-vous avec un autre membre de son réseau place du Trocadéro à Paris, la Gestapo de la rue de la Pompe10 l’arrête à 5 heures du soir. Comme ses camarades, dont Jean Desbordes qui dirige son secteur et meurt le jour même sous la torture, Catherine Dior est alors torturée. Elle est déportée au camp de Drancy puis dans le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück8. Le train qui l'envoie en Allemagne le 15 août 1944 est l’un des derniers à emmener des déportés (« convoi des 57000 »).
Libérée près de Dresde en mai 19458, Catherine Dior est rapatriée à Paris, très affaiblie et amaigrie. Elle est décorée de la croix de guerre – une distinction rarement accordée à des civils –, de la croix des Combattants, et de la Légion d’honneur8. Son cousin Sean Dior dira d’elle : « elle a risqué sa vie pour que les autres restent libres. »
Catherine Dior, est bien plus qu'une sœur au nom célèbre. Nous sommes en 1947. En même temps que son premier grand défilé de mode, Christian Dior est le premier couturier à avoir l'idée de génie de lancer un parfum en même temps qu'une collection de vêtements. Mais quel nom lui donner ? Alors que Dior se creuse la tête, Catherine, sa petite sœur, entre dans la pièce. L'assistante du créateur lance alors "Tiens, voilà Miss Dior !". "Miss Dior ! Miss Dior ! Voilà mon parfum !", s’exclame Christian Dior. Et c'est ainsi que, sans le vouloir, la discrète Catherine Dior, sœur du grand couturier, est passée à la postérité.
Dans les archives de la Maison Dior, on peut regarder, avec émotion, une photographie de Catherine prise après son retour en mai 1945. Elle porte les médailles qu'on lui a décernées en reconnaissance de son courage, mais son visage est d'une tristesse indescriptible. Au grand soulagement de sa famille, Catherine Dior reprend des forces pendant l'été. À l'automne, elle est suffisamment rétablie pour entreprendre un voyage à Paris avec Hervé, son amant qu'elle a retrouvé.
Il leur faut trouver un emploi : Catherine obtient l'autorisation de vendre des fleurs en gros, et le couple se met à commercialiser le fruit de leur production qu'ils ont planté dans le jardin de la maison des Naÿssès. Alors que son frère est en passe de devenir l'un des couturiers parisiens les plus en vue, Catherine fuit la lumière des projecteurs. Pourtant, elle est le seul membre de la famille Dior présent pour assister au succès fulgurant de Christian, le jour de son premier défilé. Maurice Dior étant décédé seulement quelques semaines avant.
A chaque collection, son frère lui offre des robes. Si son célèbre parfum Miss Dior est un hommage à sa sœur, une robe aussi porte son nom. Mais on imagine mal Catherine Dior porter ce modèle haute couture aux halles, où elle se rend à 4 heures du matin pour vendre ses fleurs, ni dans les champs de roses dont elle s'occupe chaque été dans la maison des Naÿssès, que son père lui a léguée.
C'est dans cette maison familiale, entièrement rénovée, avec des jardins emplis de roses et autres fleurs à parfum, qu'elle s'installe avec son bien-aimé, après la mort, soudaine, de Christian Dior. En effet, le soir du 24 octobre 1957, pendant un voyage en Italie, le couturier est retrouvé inerte dans sa salle de bain. On fait venir un médecin, mais trop tard : Christian Dior a succombé à une crise cardiaque. On appelle aussitôt Catherine, qui arrive à temps pour voir le corps de son frère étendu sur un lit, vêtu de noir, avant qu'il ne soit rapatrié à Paris en jet privé.
Catherine Dior met de l'ordre dans les affaires de son frère avant d'abandonner le commerce de fleurs pour se consacrer à la culture des roses et du jasmin. On raconte que jusqu'à la fin de sa vie, en juin 2008, elle a porté le parfum Miss Dior. Sur sa coiffeuse, il y en avait toujours un flacon, au milieu des rouges à lèvres. Des rouges à lèvres Dior, évidemment.