Je suis un gisant qui repose à côté de son roi bien aimé autrefois, dans une abbaye.
Née en 1122, je suis morte à l’âge de quatre-vingt-deux ans, je fus donc une très vieille dame pour l’époque, mais il m’a bien fallu tout ce temps pour remplir mes devoirs de reine de deux pays.
J’ai toujours aimé la poésie et la musique, mais j'ai dû me détourner de mes passions, sans pour autant les oublier, pour finalement les imposer quand je suis devenue reine alors que je n’avais que quinze ans.
Je suis partie en croisade, lors de la deuxième, en accompagnant mon mari pour convaincre nos vassaux de participer à l’expédition, je fus imitée par les autres femmes qui ont pu elles aussi être admises.
J’ai donné naissance à deux enfants, mais je n’aime pas ce roi que j’ai épousé par contrainte, c’est d’un autre homme dont je suis amoureuse.
J’ai été peut-être la première femme à obtenir l’autorisation de divorcer en trouvant un prétexte irrévocable de consanguinité malgré l’intervention du Pape Eugène III.
J’ai enfin pu épouser le roi de mon cœur et lui ai donné huit enfants. J’ai fait de mon troisième fils, qui n’avait alors que douze-ans, mon héritier, et l’ai proclamé avec l’accord du roi.
Mais tout ne s’est pas passé comme je l’espérais, les affaires et ma détermination ont été plus fortes que l’amour qui m’unissait à mon second mari, qui n’a pas supporté, que moi en tant que femme, même reine, j’ai autant d’influence. Puis mon pays me manquait, ma France, et ma belle ville, même si l’Angleterre était une belle contrée.
J’ai dû me dresser contre le roi d’Angleterre pour une affaire de succession pour protéger mes fils. J’ai tenté de fuir pour trouver refuge auprès du roi de France, mon premier époux. Mais j’ai été capturée par la garde royale et emprisonnée pendant seize ans, jusqu’à la mort d’Henri II, roi d’Angleterre.
Déjà âgée, je suis tout de même partie en croisade, la troisième, pour affermir le pouvoir de mon fils Richard, que j’ai couronné une deuxième fois et officiellement, Richard Cœur de Lion.
Puis, le temps était venu pour moi de me retirer dans ce monastère. Même si j’ai gardé un œil sur mes enfants et les affaires, lasse, je n’ai rien pu faire après les erreurs et violences commises par ma progéniture et l’assassinat de mon fil bien aimé Richard.
Voilà ce que fut ma vie, moi, Aliénor d’Aquitaine, reine de France et d’Angleterre.