"Il n'est, pour en être assuré, que de l'écouter, pour peu qu'on l'en presse, développer ses thèmes majeurs qui sont d'abord cette découverte qu'il a faite de la valeur de l'attention. L'habitude nous abêtit et nous endort. Nous finissons par ne plus percevoir du monde que ses envers et que ses ombres. Il nous faut réapprendre à aimer l'eau, le feu, à toucher la bête, le fruit, à regarder monter et descendre le jour avec des sens de prisonnier libéré, d'enfant en vacances, des yeux de commencement du monde. La vie, dit-il encore, ne vaut d'être vécue que dans la mesure où on s'en émerveille.
Et il n'a pas non plus achevé de nous dire son étonnement devant l'indifférence de l'homme pour l'homme, sa tristesse devant ce tenace appétit d'agression dont vingt siècles de christianisme n'ont pas réussi à le guérir, son regret du monde maternel, cette nostalgie qui se traduit de loin en loin par de timides essais de sympathie ratés : "Donne-moi du feu, mon petit pote !" qui ne vont guère plus loin qu'une nuance de pitié dans le sourire en se quittant, d'encouragement à la patience.
Amour ? Le mot a trop servi, trop porté les rêves des hommes.
Ce n'est plus qu'un mot creux, faussement prometteur, un peu écoeurant à la fin.
Mais peut-être que bienveillance ..."
Extrait de la préface par Paul Géraldy de "Travaux" de Georges Navel