Rendez-vous amoureux 1892
Franchesca ouvrit la fenêtre pour voir d’où venait cette musique. Elle se pencha et aperçut André, son amoureux, devant l’entrée de sa maison avec deux amis. Aussitôt elle mit son foulard noir sur la tête, descendit les escaliers le coeur battant, et sortit sur le perron. Dès qu’il l’aperçut, André commença à chanter en corse tandis que ses deux amis l’accompagnaient à la guitare.
Elle resta là, debout, écoutant cette sérénade, une tradition de l’île, un cri d’amour d’un homme pour la fille qu’il aime. Les paroles étaient belles et elle était toute émue. Les villageois qui passaient dans la ruelle s’arrêtaient devant la maison pour regarder et écouter, amusés par le spectacle.
Puis la sérénade prit fin et les trois hommes partirent après avoir salué Franchesca.
Un peu plus tard dans la matinée la jeune femme se rendit au village et entra dans l’église, un magnifique bâtiment situé au centre d’un groupe de maisons. La religion était une valeur à laquelle tous les corses étaient très attachés, ainsi que la générosité envers son prochain. Elle fouilla dans une poche de sa robe et en sortit quelques pièces qu’elle mit dans un tronc, sous la statue de la Vierge, en priant pour que cette bonne action lui apporte la réponse à ses souhaits. Puis elle alluma un cierge pour son père, pêcheur disparu en mer trois ans auparavant. Sa barque était partie à la dérive, emportée par les vagues, on ne l’avait jamais retrouvé.
Mais la vision de son fiancé occupait son esprit. Toujours dans sa poche, elle prit un petit papier blanc froissé qu’elle lut une nouvelle fois : « retrouve moi tout à l’heure près du banc derrière l’église ». Elle hâta le pas. Il était là, assis sur le banc en pierre. Elle s’assit près de lui, il la prit dans ses bras, et ils échangèrent un long baiser sous le regard indiscret des cigales.