A celle que je fus, il y a environ 36 ans...
Ma Doudoune,
Ce soir, tu vas rentrer à la maison, épuisée et totalement perdue.
Car, non, le neurologue ne parviendra pas à expliquer pourquoi, il y a quelques semaines tu t’es frappée violemment la tête contre le sol dans un mouvement totalement incontrôlé et incontrôlable. Parce que, au terme de son examen - après t’avoir couvert la tête d’électrodes et avoir envoyé des flashs lumineux dans les yeux - il n’aura rien découvert de suspect, il en tirera la conclusion que lorsque tu affirmes que, parfois, tu perds le contrôle, en réalité, tu mens. Ses conclusions seront les suivantes : non, tu ne souffres pas d’épilepsie, donc, non, en vrai, tu ne perds pas le contrôle. Il affirmera que lorsque tu te mets à hurler, à te frapper toi-même, à jeter des objets à travers les pièces, en réalité tu es juste en train de faire des colères – ce que tes parents appellent parfois « des crises » ou de manière plus méprisante encore, des « simagrées » ; que tu es une enfant difficile qu’il faudra apprendre à discipliner.
Tu te souviens, ma puce, de ce jour où, après une « crise » tu t’es assise sur ton lit et que, machinalement, sans t’en rendre compte, tu t’es mis à te balancer d’avant en arrière. Tu te souviens que ce jour-là, maman t’a vu et t’a jeté un acerbe : « arrête de te balancer comme ça ! ce sont les autistes qui font ça. Tu n’es pas autiste. Alors arrête ! » Et pourtant…
Ma princesse, c’est juste que dans ton présent à toi, les gens ne savent pas. Le neurologue aujourd’hui, les psychologues – plus tard – aucun d’eux ne saura reconnaitre les signes ; aucun d’eux ne saura te le dire. Ils n’ont pas les outils, pas encore les bons critères. Ne leur en veut pas.
Juste, fait moi confiance : tu n’es pas folle. Tu seras certainement bizarre aux yeux des autres ; presque systématiquement et inévitablement. Parce que, oui, tu es et restera différente. Mais je te connais et même si tu ne le sais pas encore, même si tu ne t’en doute même pas encore, tu as une force précieuse en toi : la résilience et une détermination à être heureuse « malgré tout » presque indestructible.
Ta vie ne sera pas toujours facile ; aucune vie ne l’est vraiment, de toute façon. Mais tu sauras traverser les épreuves avec courage et dignité.
Alors fais-toi confiance et juste, avance !