@Lapin
J'ai donné la vie deux fois et j'ai expérimenté les deux phénomènes.
Il faut savoir que j'ai longtemps songé que les enfants et moi, ça ferait au moins 36. Car j'avais toujours été très mal à l'aise avec les enfants des autres; mal à l'aise, maladroite, agacée, impatiente, je ne supportais pas leurs cris, ne les comprenais pas etc.. Pas au point de dire que je les détestait tous, mais convaincue que c'était pas fait pour moi.
Et puis, j'ai grandit et j'ai réalisé, à ma propre surprise, que je voulais devenir mère.
Dès lors, ma quête de compagnon idéal s'est peu à peu transformé en quête de père idéal pour mes futurs enfants (sans pour autant oublier le côté compagnon idéal, hein ! fallait les deux.. la fille pas exigeante quoi. lol)
Lorsque je me suis mariée, j'avais déjà franchi le cap des 30 ans. Je trouvais que c'était déjà un peu tard pour avoir des enfants. Car je n'ai jamais perdu de vue que, mine de rien, ben, avoir des enfants, ça veut dire laisser de côté tout un tas de chose (moins de temps libre, moins de temps pour le couple, moins de temps pour soi, plus - beaucoup plus - de sollicitations extérieur... etc). Et je voulais donc avoir des enfants à un âge où on a encore de l'énergie pour tout ça.
J'ai arrêté la pilule, que je boulottais tous les soirs de puis mes 14 ans (prescription pour tenter de réguler mes règles et pour réduire les douleurs... j'insiste tenter de, enfin bref).. j'arrête la pilule, disais-je, 6 mois après mon mariage, à la fin du mois de décembre. Nouvelle année, nouveaux projets... tout ça. Je constate que je suis enceinte au début du mois de février suivant. Je vous jure, je l'ai annoncé à mon homme avec une carte de St Valentin.
Dès le début, ça a été l'hilarité totale. Jamais je n'ai été aussi heureuse que pendant cette grossesse-là. Et j'ai aimé cet enfant dès que j'ai su qu'il allait entrer dans ma vie. Et en plus, ma grossesse s'est déroulée crème, pas de soucis, pas de nausées, pas de douleurs particulières.. le seul soucis, c'est que mon bout de chou a tenu à rester au chaud le max du max autorisé ! il a fallu déclencher l'accouchement. Long, pénible, douloureux.. (je ne voulais pas de la péridurale car je voulais sentir la délivrance). Et finalement, au bout d'un temps que j'ai jugé interminable (36 heures environ entre le moment où on décidé de déclencher et la délivrance), j'ai pu prendre mon enfant contre moi. Un peau contre peau magique. Et mon coeur qui battait à tout rompre sous le coup de l'émotion et d'un amour débordant.
Et puis, on a laissé s'écouler un peu plus d'un an ans avant de se dire que, question d'âge encore, ça serait cool de ne pas trop attendre pour le petit deuxième. On définit une date : à la fin de mes plaquettes de pilules (y en a trois par boîtes), on ne renouvelle pas l'ordonnance. ça nous amenait au début du mois d'aout. ça nous faisait un bébé de printemps. Sauf que.. je me suis montrée curieuse et que j'ai vu que selon le calendrier chinois, si je voulais une fille, je devais tomber enceinte courant juin ou début juillet, au plus tard... Mais voilà, Zhom s'est contenté de hausser les épaule.. "le calendrier chinois ? t'es sérieuse ?".. Ben, oui, une part de moi l'était.. suffisamment pour que j'oublie mon rendez-vous du soir pendant quelques jours, courant du mois de juillet... Je m'en rend compte, je me jette sur le reste de mes pilules.. et au début du mois d'aout, un matin, je me sens nauséeuse. Etrange, me dis-je, mais ça passe. Et le lendemain matin suivant, rebelote. le truc, c'est qu'on a rien fait depuis que j'ai arrêté ma pilule. Tout de même : j'achète un test. Le jour suivant, je me réveille nauséeuse.. allez, je file faire pipi sur la bandelette. Et là, bingo, pas de doute, le petit deuxième est en route. Lors de la consultation chez le gynéco, on apprend qu'en réalité, il est en route depuis le début du mois de juillet.. et le doc de me dire : "si vous avez oublié votre pilule, c'est qu'une part de vous savait que c'était devenu inutile". Cet enfant, je l'ai désiré autant que le premier. Et pourtant, lorsqu'elle est née (à peu près à terme, même si elle nous a fait un peu attendre aussi), je n'ai pas connu le coup de foudre. Je l'ai trouvé "moche". Je n'aimais pas son nez. Et, oui, il m'a fallut plusieurs semaines avant de ressentir ce déclic que la bd évoque et illustre si bien :
Alors, oui, c'est une chose qu'il faudrait dire à tout le monde et dont il faudrait absolument cesser de faire un tabou. Car non, l'amour qu'on porte à ses enfants, ceux-là même qu'on a pourtant porté de longs mois, n'est ni automatique, ni systématique. Et non, l'amour qu'on porte à cet être unique et merveilleux n'empêche pas la dépression post-partum.
ça aussi, je l'ai vécu. Seule. Parce que, oui, la société attend que les mères soient des battantes, des sortes de super-héro que l'amour maternel porte et supporte forcément au point de trouver des ressources inépuisables autant qu'insoupçonnées et que dire que "ben, non, merde, j'y arrive pas ! Je ne me sens pas la force." ben, on a pas le droit. Alors on fait face, on sourit, on dit, "oui, c'est dur, mais je vais m'en sortir." ça rassure les autres et nous ben, on fait comme on peut, on s'en sort tout juste en se demandant tous les soirs comment on est arrivée à la fin de la journée. J'ai eu de la chance, je m'en suis sortie, finalement. Mais, avec le recul, je me dis que ce n'est pas normal, que je n'aurais pas dû franchir ça seule que j'aurais dû avoir le droit de demander de l'aide. Et toutes les mères devraient avoir ce droit, librement, sans jugement et avec amour et respect.