Ce soir je rage d’être une couille molle. Un bas du front sans talent et sans autorité.
Flashback : Dimanche dernier, bon prince, j’offre un restaurant à madame. Ou plutôt j’ai offert un dépotoir sans nom avec du mazout en guise de nourriture. Je le sais. Vous le savez. Ils le savent. C’est une histoire à emmerdes.
Je suis un anxieux du chibrax. J’ai besoin de contrôler un minimum et d’anticiper les sorties, préparatifs, etc. Pour les restaurants je choisis 3 mois en amont avec avis vérifiés sur internet. C’est limite si je n’appelle pas d’anciens clients pour recueillir leurs témoignages.
Et voilà que dimanche dernier, dans un endroit à touristes aux poches pleines, nous nous décidons pour nous substanter de mets délicieux. Comme les Subway ça va bien cinq minutes, que le froid nous frôle le cul et que sortir son téléphone pour vérifier les bonnes adresses du coin est un appel à la congélation, madame s’empresse de jeter son dévolu sur un boui-boui local à fort belle allure.
Une jolie petite entrée type bistrot gastronomique, une terrasse extérieure couverte qui ferait passer les Invalides pour un Kébab. La coupe est pleine, à nous les joies des nantis option pass sanitaire full options. Nous sommes l’élite après tout.
Ha putain quelle erreur. Nous n’entrons pas dans le restaurant. C’est le patron du restaurant qui décide qui rentre et qui rentre pas. En fonction de la gueule du client et de sa capacité à dégainer des billets de 20 ? Je ne sais pas. A peine sommes-nous devant le porche à proximité de la porte d’entrée, l’empafé demande « Pour combien ? » Bah déjà bonjour conard. Et moi candide et intimidé « euh pour deux monsieur ? S’il vous plaît ? » Le patron dans sa grande générosité accepte et nous laisse entrer.
Et derrière nous il s’empresse de cadenasser à double tour la porte et de rester accoler à la vitre. Le scénario se répétera tout le long de ce repas. Il guette tel le pervers devant une classe préparatoire la porte vitrée, débarre la porte quand des couillons comme nous se rapprochent du restaurant, re-barre la porte quand il fait rentrer ses moutons.
La première impression est mauvaise.
La suite ne fera pas bander je préfère le dire tout de suite. Installé sur une chaise en osier qui couine avec l’un des pieds qui est bancal, j’ai mal au cul. Confort absent. Mais je tais mon impression. Je dis à madame « ça va ? » Elle fait silence. Elle comprend. Je comprends. Nous comprenons. Elle fait surtout silence car l’intimité sera inexistante dans ce boui-boui.
Les tables sont littéralement collés les unes aux autres, si bien qu’une maman avec sa mouflette a la bonne idée de nous contempler et d’écouter chacune de nos paroles. Je double la mise avec le fait que le grand manitou collé à sa porte est juste derrière nous car notre table est l’une des premières dans le restaurant des enfers. C’est un mauvais démarrage.
Mais la fête continue, plus rien à secouer. La serveuse « Bonjour, vous avez le QR Code de la carte sur la table, scannez-le pour découvrir nos petites merveilles » Bordel je viens de récupérer mon nouveau téléphone y a 8 jours et le temps que je trouve mon appli scanner à la con, la meuf revient pour nous dire « Vous avez choisi quoi boire ? » Alors déjà qui te dit que je vais boire avant de manger ? J’ai la dalle, je suis là pour péter des frites hein. Du coup je réponds non mais je stresse. Comme un sentiment d’insécurité. Le mauvais œil rôde.
Cinq minutes plus tard en sueur après une nouvelle relance je réponds « un coca » pour être libérer de ce fardeau. Un coca à 4.70 ça va c’est une bonne affaire. Le traquenard nous encercle de ses bras et moi je dis « merci », un vrai fayot, je suis inexcusable. Je vois les futurs clients qui arrivent. J’essaye de les regarder dans le blanc des yeux pour qu’ils comprennent. Fuyez. Ils ne comprennent pas. Chacun pour sa gueule, tant pis.
J’arrive à scanner les plats de raffinement qui émerveillent les papilles. J’ai toujours eu un faible pour les escalopes de dinde à la crème fraîche. Dans mes bons jours, j’en pète deux ou trois à la volée par jour. Y en a une sur la carte avec des frites faîtes maison en accompagnements. Pourquoi pas après tout. 20 euros l’escalope ça va c’est une belle affaire. Madame prend un truc. Je dis un truc parce que vu la gueule de son bocal je sais toujours pas ce qu’elle a avalé et elle non plus.
Bref cinq minutes plus tard l’escalope à la crème périmée arrive. Ha ben ça mes salauds le service est rapide. Pour une raison évidente. Bouffe au lance-pierre, sort ton cash et dégage, on a d’autres blaireaux à plumer. Ou en étais-je ? Oui, alors, l’escalope de hibou arrive. Elle est chelou, verte, épaisse. M’étonne qu’il n’y ai pas de grumeaux. Les champignons sont multicolores. Une face marron, l’autre noirci. C’est pile ou face à ce petit jeu-là. Pile tu finis au chiotte en cinq minutes, face tu survis. La rondelle de tomate à des accents de vert et les frites sont rigides, droites et servent manifestement à caler les chaises bancales dans le restaurant. Une farce surgelée qui a un prix.
Manifestement le cuistot a bien fait son boulot à l’aide d’engrais chimique, de bendiazène et de chlorate car c’était quand même mangeable. Enfin mangeable… Faut-il avoir le temps de manger… J’ai osé prendre une pause au milieu de mon assiette. Il en restait une bonne moitié à avaler. Et j’ai osé parler à ma copine quelques secondes.
L’erreur.
Le patron qui se branlote derrière la porte verrouillée débarque à mon oreille « Vous avez fini ? » Je stresse du fion. « Non » dis-je dans une attitude ou je m’excuserai presque de ne pas avoir fini mon plat surgelé en cinq minutes. Il me répond « pas de soucis » et me donne une petite tape amicale sur l’épaule. Je rêve.
Je vois que ma copine a quasiment terminé son plat de merde. Je la supplie de ne pas accélérer le processus. J’ai peur qu’ils viennent sur elle à quatre pour lui demander si elle a terminé de manger. C’est intenable et des filets de gaz émanent de mon corps rapidement. Madame me dit discrètement qu’avant le patron, c’est la serveuse qui venait au-dessus de mon épaule pour vérifier à plusieurs reprises si j’étais prêt à aligner le cash pour prendre un dessert fruité à 16 euros.
Je prends la décision forte de ne pas prendre de dessert pour ne pas enrichir plus longtemps ces flibustiers incommodes et auteurs de prestations de restauration ridicule.
Madame part en mission suicide pour faire un pipi de sécurité avant de reprendre notre route. Au prix ou on va payer ce boui-boui graisseux, j’imagine au moins que la pissotière est en marbre d’Egypte.
Erreur.
Moi qui voulais aller démouler un mini-assortiment de cake avant de partir, me ravise, car mon amie me déconseille l’endroit. La porte du cabinet s’entre-ouvre seulement de quelques centimètres, si bien qu’on dirait un tourniquet de la SCNF, le papier toilette est réalisé à partir de papier crépon, si bien que se frotter l’arrosoir équivaut à se prendre un bouquet d’orties. C’est terrible.
Le tourniquet donne sur une ouverture escarpée ou l’unique cuistot dans sa kitchenette digne des cuisines que l’on offre à Noel aux petites filles voire aux petits garçons, tente de faire sa tambouille avec ses recettes made in Picard. Pendant l’absence de madame aux toilettes, je panique, je tente de mettre mon manteau comme pour agiter le drapeau blanc car je vois bien que le patron veut faire rentrer deux autres victimes à notre place.
Le clou du spectacle sera qu'au moment de partir, ma copine s'est pris dans la tronche une porte verrouillée à double tour. Le patron était en train de mater la jupe de l'une des serveuses et ce sont ses clients avec son accord tacite qui débarrent eux-même la porte pour fuir l'endroit.
La seule satisfaction de ce repas sera qu’au moment de régler l’addition qui n’aura jamais été aussi douloureuse, j’ai réussi à placer tel un ninja 4 tickets restaurants dans la gueule de la serveuse.
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Mais l’honneur n’est pas sauf. Je rage d’être un boyscout qui dit merci alors qu’il a envie de crier merde. Axe de progression 2022 : La prochaine fois ça va barder.
Désolé j'ai tambouriné mon clavier d'une traite, j'ai sans doute semer un paquet de fautes intolérable mais j'avais besoin d'expier mes pêchés.