Vous organisez une grosse soirée chez vous. C’est chez vous, c’est privé et donc soumis à vos règles à vous : par exemple si vous voulez que les invités mettent des sous-verres sous leurs cocktails, eh bien ils auront la politesse de le faire. Chez les autres peut-être qu’on ne demande pas de mettre des sous-verres, mais là c’est chez vous, normal que vous décidiez non ?
D’ailleurs c’est indiqué à l’entrée de votre salon, chacun a pu le voir en entrant. Car oui, la porte est grande ouverte sur la rue : n’importe quel badaud peut entrer, gratuitement, il n’a qu’à passer la porte. Il peut venir les mains vides. Il peut venir avec ou sans masque. Il peut ne jamais vous adresser la parole si ça lui chante. Il peut aussi s’asseoir et juste écouter en silence les autres convives qui discutent. Il peut rentrer, sortir à sa guise.
Bien sûr, comme ça se passe chez vous, c’est vous et vous seul qui payez le loyer, la clim, les canapés sur lesquels les inconnus s’asseyent, la musique, la bouffe, tout ; les convives ne déboursent rien du tout, ils peuvent profiter gratuitement de l’ambiance. Ce qu’ils apportent, c’est leur présence chaleureuse (vous les en remerciez très régulièrement d’ailleurs).
A aucun moment vous ne garantissez à un convive qu’il sera écouté ou aimé par tous : chacun se fait sa place dans la soirée, chacun choisit le comportement qu’il souhaite avoir, chacun choisit comment il s’adresse aux autres convives.
A aucun moment non plus vous n’attendez de vos convives qu’ils vous remercient ou vous préfèrent à d’autres. L’important ce n’est pas vous, ce n’est pas votre salon, c’est ce qu’il s’y passe, avec ou sans vous.
Comme vous aimez cette soirée et ne souhaitez pas qu’elle se termine, vous distribuez des flyers dans la rue pour qu’encore plus de convives anonymes rejoignent votre salon. C’est vous qui fabriquez les flyers et qui les distribuez sur votre temps libre. Vos convives se réjouissent de voir arriver de nouvelles têtes. D’ailleurs parfois ils ramènent eux aussi leurs potes, et vous en êtes toujours ravi.
Et la soirée est bonne, ça discute, ça rigole, des jeux s’organisent à droite à gauche, il y a même des couples qui se créent… Bref les gens (que vous ne connaissez pas) s’entendent plutôt bien, et vous profitez vous aussi de cette fête.
Mais il y a parfois des incidents, par exemple un convive se met à casser volontairement des trucs chez vous. Pas de souci, vous et quelques autres convives veillez à gérer la situation (par exemple en demandant à cet invité d’aller se calmer un peu dehors avant de revenir). Parfois il resquille en re-rentrant par la fenêtre de derrière, c’est moyennement cool et dans ce cas vous le priez de laisser vos invités tranquilles de manière définitive. C’est important que vos invités se sentent en sécurité, même si vous ne pouvez pas avoir les yeux partout.
Les fenêtres restent pourtant ouvertes, cela signifie que des convives qui n’ont pas toujours été très sympas peuvent quand même venir papoter avec d’autres qui eux sont à l’intérieur. Vous en êtes conscient, vous le voyez même, mais le plus souvent vous n’intervenez pas : après tout les gens sont libres de s’amuser et de discuter tant que l’ambiance reste bonne dans votre salon.
N'oubliez pas : vous êtes chez vous. Vous êtes le seul à payer le loyer. Vous auriez parfaitement le droit de mettre tout le monde dehors si la soirée ne vous amusait plus.
Soudain un convive décide de partir. En tant qu’hôte vous en êtes attristé, mais pas de problème, les gens peuvent aller et venir.
Plus tard le même convive revient repasser une tête chez vous (il en est totalement libre, votre porte est restée ouverte, vous êtes même heureux, de prime abord, d’apercevoir son visage familier)… et là il clame à l’assemblée que, à son avis, l’injustice règne dans le salon, que la liberté de parole est bafouée, que vous, l’hôte donc, et tous vos convives exercez des pressions abusives, et que tout ça est révoltant, insidieux et tristement cautionné par une majorité de convives.
Comment le prendriez-vous ? C’est normal d’invectiver son hôte et tous ses invités ? A qui profite ce sabotage en bonne et due forme ? Qui est coupable ou victime d’abus ?
Pê que certains convives vont applaudir et se dire "mais c’est vrai ça, moi aussi je me sens mal ici", c’est leur droit, plein et entier. Ils ne sont pas captifs, la porte est ouverte et il y a des centaines d’autres soirées à l’extérieur. Pê que d’autres vont trouver ces accusations choquantes et malvenues, puis aller se rasseoir dans un canap ; sont-ils pour autant des lâches ?
Je ne suis pas l’organisateur de cette soirée. Vous ne l’êtes pas non plus. Il n’y a qu’une seule personne qui incarne ce personnage du scénario (cherchez hein, vous devriez pouvoir deviner). Nous autres, tous les autres, vous, moi, n’importe quel internaute qui passerait par ici, on est les convives, ceux qui profitent gratos des canapés et des discussions.
Bref, il conviendrait de ne pas oublier où on est, et de mesurer la teneur de ses propos en conséquence. Enfin, je devrais dire "il aurait été convenable", puisque ça a été clairement oublié.